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Un secret éventé

En 1496, un vénitien, John CABOT, recherchant une route plus courte vers les Indes (on en est venu à l’évidence que la Terre était ronde) pour le compte de HENRI VII, roi d’Angleterre, découvre officiellement Terre-neuve. Mais il est bien surpris d’y trouver déjà bon nombre de pêcheurs portugais, espagnols, basques et français.
« Car, si ces explorateurs livraient au monde leurs secrets, les pêcheurs, eux, les  gardaient pour eux ».

Ce sont probablement les scandinaves, appelés aussi « Noroît » ou « Vikings », qui, après avoir découvert les Îles Shetland, les Îles Fëroés, l’Islande puis le Groenland, ont été les premiers à découvrir l’Amérique du Nord. Des traces de leur passage datant des années 1 000, ont été mises à jour dans le Nord de l’Île de Terre-neuve dans un lieu appelé « Anse aux Meadows ». Les basques, toujours à la poursuite des baleines connaissaient probablement Terre-neuve (des noms de lieux persistent encore). C’est là qu’ils prirent connaissance de ces impressionnantes quantités de morues au point, disait-on, qu’elles empêchaient les navires d’avancer.

Ruée vers l’or

Une nuée de vaisseaux, portugais, espagnols et français se ruèrent alors vers Terre-neuve pour exploiter cette fabuleuse manne de « l’OR BLANC ». Les anglais n’y participeront qu’un siècle plus tard (les eaux poissonneuses islandaises, beaucoup plus proche de chez eux, suffisaient à leurs besoins). La pêche à Terre-neuve est dans un premier temps dite « pêche sédentaire » ou « morue sèche ». C’est une pêche côtière avec salage et séchage à terre. Le produit fini (la morue), se conserve très très bien, plus de 2 ans. Ce type de pêche n’évoluera pas et perdurera jusqu’au XIXème siècle.

De la pêche sédentaire à la pêche errante

Suite à l’arrivée massive des colons britanniques et irlandais au CANADA et sur l’Île de Terre-neuve, la France et l’Angleterre, qui revendiquent chacun sa possession, entrent régulièrement en conflit. C’est finalement l’Angleterre qui, à la fin du XVIIIème siècle en prendra possession (excepté les îles de St Pierre & Miquelon), mais la France conservera un droit de pêche sur une partie du littoral : « LE FRENCH SHORE ». Avec les tracasseries continuelles des autorités terre-neuviennes, mais aussi à la raréfaction de la morue près des côtes, la « Pêche sédentaire » amorce un lent déclin. Les armateurs renoncent à utiliser leurs droits sur le French Shore et en 1904, abandonnent leurs privilèges.

Entre temps la morue qui s’est déplacée sur des bancs plus au large a engendré un autre type de pêche ressemblant à celui pratiqué en Islande. Le navire est en dérive et la pêche s’effectue du bord du voilier et est dite : « pêche errante » . Le poisson préparé et salé à bord du navire est appelé « morue verte ». On s’aperçoit qu’il n’y a pas plus de travail à faire de la morue séchée à terre qu’à rapporter simplement de la morue verte. Par contre, la morue seulement salée ne se conserve pas plus de 4 ou 5 mois et il faut la livrer à terre pour qu’elle y soit séchée. Ce sera à St Pierre & Miquelon, seule possession française proche des bancs de Terre-neuve.

De la baleinière au doris

Cette pêche effectuée par des navires de petit tonnage (du fait des guerres de courses) évoluera rapidement. Des navires plus importants embarqueront des baleinières qui pourront aller tendre des lignes à proximité du voilier qui lui, restera au mouillage. Ce type de pêche (très mal connu) dans ces mers particulièrement dangereuses causera énormément de morts et de disparitions. Les baleinières étaient armées par 8 à 10 marins et quand l’une ne revenait pas, disparue dans la brume ou par mauvais temps, c’était pratiquement la moitié de l’équipage qui était perdu.

La venue des doris, petite embarcation à fond plat d’origine américaine, légère, maniable, armée par seulement 2 hommes, emboîtables les unes sur les autres (ce qui permet d’en embarquer une douzaine sans tenir de place), sera une grande amélioration, même si cette pêche reste extrêmement risquée et dangereuse. Ce type de pêche se développera rapidement, permettra de mouiller beaucoup plus de lignes et d’avoir des rendements nettement supérieurs. Il se maintiendra jusqu’à la fin des voiliers et ce sera l’image que l’on retiendra de la pêche à la morue au temps ds voiliers. Le déclin de la « Pêche errante » est dû à l’évolution des moyens de pêche et la venue des chalutiers.

L’ère des chalutiers

Dés 1903, les premiers essais de chalutage à la pêche à la morue sont effectués dans les eaux islandaises et obtiennent des résultats concluants. En 1904, à Terre-neuve le chalutier boulonnais Jeanne, réussit lui aussi un campagne concluante. En 1905, Fécamp arme ses premiers chalutiers à vapeur alimentés au charbon. Avec ce type de pêche au chalut, les résultats et les rendements étant nettement supérieurs, la progression est rapide et tous les armements l’adoptent. Le chalutier est beaucoup plus rapide et ramène entre 6 et 9 fois plus de poisson. La taille des chalutiers augmente, la propulsion évolue également.

Jusqu’au XXème siècle, les Grands Bancs de Terre-neuve vont constituer les plus importants stocks de morue du monde. Les eaux et côtes te Terre-neuve deviennent un énorme enjeu économique et commercial. La pêche à la morue connaît son apogée au XIXème siècle et tous les pays européens viennent pêcher dans ces eaux glaciales, les bateaux restent plusieurs mois sur place vivant une existante rude et active. Dans les années 1960, jusqu’à 800 000 tonnes de morue pouvaient être pêchées.

Fécamp était l’un des ports français de cette pêche morutière. Au début du XXème siècle, grâce à la mécanisation du séchage de la morue, il devient le premier port morutier et «Capitale des Terre-Neuvas».

Fin de l’histoire ?

Hélas, la pêche intensive, l’interdiction de chasser le phoque (d’après les scientifiques, les phoques consomment l’équivalent de morues que ce qui est pêché) et surtout le refroidissement des eaux de Terre-neuve (occasionnant pour la même raison la disparition du capelan et de l’encornet – le capelan et l’encornet sont les nourritures de base de la morue – ), ont eu raison de la morue, obligeant le Canada en 1994 à y interdire définitivement la pêche.

Le moratoire en 1994, initialement prévu pour durer 10 ans, le temps qu’une génération de morue se refasse, est toujours en vigueur ? La morue n’est pas revenue comme prévue.

Mais tout n’est pas perdu. Aujourd’hui, les scientifiques qui suivent ce phénomène de près, constatent depuis 4 ou 5 ans que les eaux de Terre-neuve se réchauffent et reviennent aux températures antérieures. Le capelan, l’encornet et la morue réapparaissent.

Combien de temps faudra-t-il pour reconstituer des stocks exploitables ?

Vous trouverez plus de détails sur la pêche à Terre-neuve dans les livres que nous proposons ou ceux disponibles à la librairie du « Musée des Pêcheries »