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Appel aux dons

Suite aux intempéries de janvier 2018, la Chapelle risque de s’effondrer si rien n’est entrepris rapidement.

Situation

Sur les deux côtes qui bordent Fécamp s’élevaient autrefois deux chapelles de la Sainte Vierge. L’une s’appelait Notre-Dame de Grâce ; l’autre, Notre-Dame de Salut. La première était située sur la côte ouest, près la ferme de Rénéville ; il n’en reste plus rien aujourd’hui, et son existence n’est connue que par la tradition, les cartes géographiques et les titres de propriété.

La seconde, encore célèbre aujourd’hui, est située sur le Heurt de Fécamp, appelé aussi le Cap Fagnet et elle est connue indifféremment dans l’histoire sous les noms de :

  • Notre-Dame-du-Fort Baudouin
  • Notre-Dame-de-Baudouin du bourg
  • Notre-Dame-de-Baudouin des Bois
  • Notre-Dame-du-Bon Voyage
  • Notre-Dame-de-Salut

Des écrits datant de l’année 1100 attestent que cette chapelle a été construite au milieu du XI éme siècle.

Elle était à l’origine dans une forêt qui s’étendait des Dalles à Etretat et que l’on nommait « La côte chevelue ». Le déboisement aurait commencé aux XIIème et XIIIème siècle pour le chantier de l’Abbatiale, puis en 1525 pour financer la rançon de François 1er.

Il existe deux versions sur l’origine de cette Chapelle.

Origine, version officieuse

Elle fut édifiée sur l’ordre du comte de BALDWIN (l’un des compagnons de ROLLON) dans les dépendances du fief qui lui avait été accordé par le Duc de Normandie, et situé dans le BURGUS. Le BURGUS étant un lieu-dit qui part la suite devint « le Bourg Baudouin ». D’ailleurs, cette Chapelle avant le XIII éme siècle s’appelait « Notre Dame de Baudoin du Bourg ».

Le site classé est constitué de la Chapelle Notre Dame de Salut et ses abords avec le mur d’enceinte, les vestiges fossés et retranchements du fort de Bourg Baudoin.
Version officielle

Vers l’an 1035, ROBERT le MAGNIFIQUE (Père de GUILLAUME le CONQUÉRANT) se trouvant en danger de naufrage sur un navire pris dans une tempête, pria et fit vœu de faire construire 3 chapelles s’il était sauvé. C’est ainsi que furent édifiées :

  • A Fécamp, Notre-Dame-de-Salut
  • A Honfleur, Notre-Dame-de-Grâce
  • A Caen, Notre-Dame-de-la-Délivrance
Un chapelet de chapelles

Dans la chapelle Notre-Dame-de-Salut vous pourrez voir quelques ex-voto (tableau, figure ou objet qu’on dépose dans une chapelle à la suite d’un grand danger) en mémoire de nos marins qui exerçaient un métier difficile et dangereux.
La chapelle de Chantereine à Cherbourg est due à un événement semblable. L’Abbé COCHET nous fera remarquer que toute la côte de la Normandie est pour ainsi dire bordée de chapelles à la Sainte Vierge.

Il y en a autant que de ports et d’écueils :

  • A Dieppe : Notre-Dame-des-Grèves
  • A St Valéry en Caux : Notre-Dame-de-Bon-Port
  • A la Grand’Vallée : Notre-Dame-de-Janville
  • A Fécamp : Notre-Dame-de-Salut
  • A l’entrée de la Seine : Notre-Dame-de-Grâce
  • A la passe de Villequier : Notre-Dame-de-Barre-y va
  • Sur les rochers du Calvados : Notre-Dame-de-la-Délivrance
  • Enfin entre le cap de la Hague et le promontoire de la Hougue, c’est Chantereine.

Toutes ces chapelles étaient pour nos vieux marins autant d’étoiles pendant la nuit, autant de phares dans la tempête. Celle de Fécamp était plus qu’une simple chapelle, c’était un prieuré en titre, dont le nom revient à chaque instant dans les délibérations capitulaires de l’abbaye.

Les transformations du site

Dés le XVème siècle, on retrouve des éléments comptables prouvant la richesse de ce prieuré dépendant de l’Abbaye de Fécamp. Pour pénétrer dans la chapelle, il faut traverser des hauts murs, de vrais labyrinthes sacrés faits avec les murs croulants des anciens forts et église. Dans l’entrée, on voit dans le mur des chapiteaux du XIIIème siècle, ce qui fait penser que l’espèce d’atrium ou de péristyle qui précède la chapelle est l’ancienne nef, ruinée sans doute par la guerre ou les tempêtes. (On trouve la preuve de l’existence d’une nef à la chapelle de Notre-Dame dans les délibérations capitulaires du 29 août 1669. Archives départementales).

En 1588, pendant les guerres de religion, aux grands murs d’enceinte du prieuré on adjoint un fort sur l’ordre de Messire André de BROCAS sieur de VILLARS, dont la garnison devait surveiller l’entrée du port.

La légende dit que le 15 novembre 1592, le Capitaine Bois Rosé et une cinquantaine de volontaires, en escaladant la falaise à l’aide de cordes, et avec la complicité de 2 soldats, attaquent et s’emparent par surprise du fort. Mais M. Daniel BANSE, a fait une mise au point sur la prise du Fort Notre Dame. Il relève que sur les registres du curé de cette église, l’abbé Cardin ROUSSEL, qui ne se bornait pas à écrire les dates d’état civil concernant ses paroissiens mais aussi les faits intéressants se produisant sur sa paroisse, il est notamment inscrit :
« Que le dimanche la nuit du quinzième jour de novembre1592, le Fort Notre Dame fut pris par le capitaine BOZORE, qui entra par ung trou des degréz qu’avoit fait faire, Monseigneur de SAQUENVILLE, Gouverneur et capitaine dudit Fort de Notre Dame ».
Il est présumable que les degrez auxquels fait allusion ce curé devaient ressembler à certaines descentes (comme celle de Benouville) aboutissant à la mer. Cet acte de bravoure ne retire en rien l’acte héroïque accompli par Bois Rosé, que confirme le curé de St Nicolas. Il démontre seulement dans quelles conditions il fut accompli.
1614 : Dom Guillaume fut chantre et prieur de Notre Dame du Baudoin Bourg.

1669 : Construction de la sacristie (qui masque en partie 2 belles fenêtres)

1703 : un violent orage et un incendie endommagent la chapelle. Les religieux bénédictins à qui ce prieuré appartient le font étayer provisoirement avec des mâts de navire. Heureusement une restauration totale de la tour a suivi et même l’édification d’une flèche en plomb de 8 mètres.
L’appellation de la chapelle devient: Notre Dame de Salut.
L’appellation du prieuré reste : Prieuré du Bourg Baudouin.

En 1732 on trouve encore dans les archives « Le manoir et enclos du prieuré dans lequel une grande chapelle, une maison, des granges, étables, écuries, bergeries et autres bâtiments… »

En 1612 le fort est détruit, la chapelle revient de droit à l’Abbaye qui possède côte et bois jusqu’à Étretat. La chapelle Notre Dame de Salut est épargnée.
Elle est très fréquentée puisque la messe y est dite tous les jours, non sans problème car le comité révolutionnaire exige qu’un poste y soit établi et occupé pour en défendre l’entrée.

1791 : Le dernier prieur est Robert MENARD. Le prieuré est vendu aux enchères mais pas la chapelle qui est considérée comme amer très utile aux navigateurs. inscrite sur un site classé aux Monument Historique.

Le 6 Août 1792 : Le décret de l’Assemblée Nationale considère la chapelle comme repère utile pour les navires au large.

En 1813 : Par décret Napoléon 1er, Empereur des français, la rend au culte.

En 1880 : un ouragan détruit le clocher et ravage la nef. Le clocher sera réédifié mais la nef ne sera jamais rebâtie.

En 1905 : elle est classée dans l’inventaire des biens appartenant à la ville de Fécamp.

Description de la chapelle

Cette chapelle est aujourd’hui réduite au cœur, au transept Nord et une nef à ciel ouvert. Au Nord est une rose ronde qui devait surmonter le portail. Dans les murs collatéraux sont des colonnettes et des chapiteaux noyés dans la maçonnerie, mais nulle part le XIIIème siècle n’est plus apparent que dans l’arcade rebouchée par le placage grossier du portail.
L’extérieur de la chapelle est bien misérable et sur le muret d’enceinte on peut y voir de drôles de figures en silex. A l’intérieur, il n’y a plus qu’un chœur et un clocher, et encore le clocher n’est plus qu’un tronçon fait de pièces et de morceaux. Primitivement ce dut être une tour carrée en pierre tufeuse percée de cintres romans. Deux fenêtres qui subsistent encore, révèlent le XIème siècle. Un toit d’ardoise, très abaissé, le recouvre.
Le chœur, miné par le temps, est soutenu par des contreforts du XIIIème siècle. Au bout il est terminé par deux fenêtres à trois meneaux garnies de tores et de roses rondes renfermant des roses à cinq feuilles dans le style du XIVème siècle.
Toutes les ouvertures du chœur sont des ogives du XIIIème siècle rapetissées au XIVème. Une de celles du côté nord a un remplissage du XVIème.
En entrant dans l’église on trouve à gauche une chapelle de Notre-Dame des douleurs, addition du XVIème siècle, reconnaissable aux voûtes et aux flammes bien martyrisées de la fenêtre.
La voûte du clocher n’existe plus, mais les arcades du XIIIème siècle qui supportent la tour sont fort curieuses. Celle du chœur, voussure à plusieurs tores, a des chapiteaux polygones sur lesquels sont des boutons légèrement ouverts. C’est évidemment la fin du XIIIème et le commencement du XIVème (1290).
L’arcade du portail qui devait être celle de la nef a aussi des boutons entr’ouverts sous une plinthe octogone. L’arcade du nord présente des chapiteaux unis comme à la cathédrale de Rennes et à Saint-Nicolas de Blois, édifices du XIIIème siècle.
Sous les murs de ce clocher des visiteurs avaient écrit leurs noms. Ces noms prouvent sans doute que cette chapelle était très fréquentée. Une couche réparatrice au badigeon a fait disparaître cette nomenclature.
Voici les quelques strophes d’une humble prière adressée à Marie et laissée là le 16 septembre 1842, par un pieux voyageur, qui n’eut le temps que de la crayonner.

Sur les bords de la mer, comme aux bords de la Seine,
Étendez votre empire, étonnez tous les yeux.
Prouvez à tous les cœurs que vous êtes la Reine
Du monde et des esprits, de la terre et des cieux.

Du marin qui vous prie exaucez la prière,
Sauvez-le des écueils et des dangers lointains,
Que l’épouse à l’époux, et le fils à la mère
Soient toujours ramenés et conduits par vos soins.

Le chœur, qui est maintenant à proprement parler la chapelle, se compose de trois jolis compartiments de voûtes, dont celle du fond a cinq arceaux. La retombée de ces voûtes s’appuie sur des faisceaux de colonnettes, dont la principale a un chapiteau de trois rangs de boutons demi-ouverts. Ce travail est évidemment la transition entre le XIIIème et le XIVème siècle.
Au Nord est une fenêtre composée seulement de tores unis et dont le remplissage est du XVème siècle. Sur le bas de cette fenêtre on y lit : « Hommage à Marie, 17 septembre 1832 ».

L’autel de marbre, fruit de la libéralité des fidèles, est surmonté d’une contre table dans le style Louis XIII. C’est une réminiscence de Sainte-Anne d’Auray dans le Morbihan. Elle est abondamment décorée d’un déluge de fleurs, de fruits et de guirlandes. Au milieu est une Sainte Vierge noire avec son enfant Jésus, deux statues l’accompagnent placées sur chaque fronton de la contre table. D’un côté est un tableau représentant une Annonciation; c’est en effet le 25 mars que cette chapelle est visitée par tous les habitants des campagnes. Ce jour là, tous les chemins qui conduisent à Fécamp sont couverts de pèlerins, que l’on voit ensuite gravir processionnellement la Côte. Le fiancé y conduit ordinairement sa fiancée, et il est rare qu’un mariage soit célébré dans les environs sans qu’il ait été précédé d’un pèlerinage à Notre-Dame de Mars.
L’autre tableau c’est le Saint Rosaire donné par l’enfant Jésus à Saint Dominique et à Saint-François d’Assise. Des anges entourent la reine du Ciel et lui présentent des couronnes qu’elle jette ensuite à pleines mains sur la terre; symbole ingénieux des grâces abondantes qu’elle répand sur les enfants des hommes.

Deux peintures murales sont au-dessus de l’autel :

  • à gauche, Jésus dans la tempête
  • à droite, la pêche miraculeuse

Un grand nombre d’ex-voto tapissent cette chapelle : ce sont des navires en peintures, en relief, des maquettes, des plaques de marbres; tous attestent la puissance de Marie et la piété de ses serviteurs.

Un lieu de pèlerinage

Fécamp était aussi un lieu de pèlerinage. Les pèlerins venaient par centaines, parfois de très loin, jusque depuis la Flandre ou l’Allemagne, pour le PRÉCIEUX SANG que l’on fête lors de la Sainte Trinité. Il a cessé en 1939 avec la seconde guerre mondiale. Mais on y venait aussi pour un pèlerinage à N.D de Mars qui avait lieu le 25 Mars, jour de l’Annonciation, ou encore pour celui du 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception.
A cette époque et pour ces occasions, une foule énorme venait à Fécamp. Par contre notre ville, comme beaucoup d’autres, était entourée de remparts et on ne pouvait y pénétrer que de jour et en dehors des heures de couvre-feu. Les pèlerins arrivant de nuit pouvaient trouver refuge dans cette Chapelle pour s’y reposer.

Ce n’est qu’au 17ème siècle qu’elle prendra le nom de « Notre Dame de Salut » sans qu’on ne sache bien pourquoi. Par contre le fortin adjacent, lui, s’appelle toujours « Fort Baudoin ».

L’attachement des marins à la Chapelle

Cette Chapelle, suite à de nombreuses guerres et par manque d’entretien, était devenue dans un état de délabrement tel qu’il fut décidé en 1792 de la détruire.
C’est le Comité de la Marine qui s’y opposa, considérant que la Chapelle était un amer très utile aux navigateurs (elle est située à 110 mètres d’altitude et donc visible de très loin), et qu’il était non seulement important de la conserver mais aussi de pourvoir à son entretien et un budget fut voté.
Malheureusement, ces promesses, comme le sont souvent celles de nos élus, ne seront pas tenues, on ne vit pas arriver l’argent et les travaux ne furent pas effectués. L’hiver qui suivi, le mauvais temps renversa totalement le clocher qui était soutenu par des étais et des cordes.
Par la suite, quelques travaux furent effectués et par prudence on y interdit l’accès. On mura les portes et fenêtres, cette Chapelle devant servir uniquement de point de repère aux marins.
C’était sans compter sur la ténacité des marins et des pèlerins, qui par tous les moyens possibles essayaient d’y pénétrer pour y effectuer leur dévotion.
Au cours de l’hiver 1800, un violent ouragan détruit la charpente de la nef, entraînant dans sa chute les murs latéraux. Seuls la tour du clocher et le chœur résistèrent à cette catastrophe, et de lamentables restaurations enlaidirent ce qui restait de l’édifice.
Ce n’est qu’en 18– qu’une collecte dans la ville à laquelle s’ajouta une petite subvention du département permit de la consolider.

Donateurs anonymes

Il faudra attendre 1901 pour qu’un anonyme se propose de prendre en charge les réparations de la Chapelle : construction d’une voûte sous le clocher, installation d’une cloche, réfection et vitrage d’une grande fenêtre. Cette personne anonyme fut identifiée; c’est Monsieur A. JOLY armateur sur le grand quai à Fécamp. A la suite d’une guérison miraculeuse en 1895, il voue un culte sans limite à N.D de Lourdes (l’un de ses navire porte d’ailleurs ce nom). D’autre part, il participe à la construction de 2 nouvelles chapelles à l’église St Étienne de Fécamp : la chapelle des marins et la chapelle de N.D de Lourdes. Après sa mort, grâce à la générosité de sa veuve et de ses enfants et sur un vœu qu’il avait formulé, une chapelle vouée à Notre Dame de Lourdes sera construite à Grainval. On peut toujours y admirer plusieurs vitraux offerts par la famille.
Pour ces travaux, le conseil municipal donna un avis favorable sous réserve qu’aucune des dépenses n’incombe à la ville ni à l’église.
A cette même période un autre don anonyme fut effectué concernant la vierge dorée (statue de 2.50 mètres de hauteur et d’un poids de 2.5 tonnes), qui est aujourd’hui au sommet du clocher.
En 1952, les enfants de M. Tranquille MONNIER, lui aussi armateur à Fécamp écrivent au « journal de Fécamp » pour affirmer que c’est leur père le généreux donateur. Mais le journal conclut : « Des recherches que nous avons effectuées, il résulte que la statue fut offerte par une personne désirant garder l’anonymat ».
En Mars 1902, à la suite d’un différent entre le maire et le curé de la paroisse St-Étienne, les travaux furent interrompus. Le conseil municipal n’avait donné son accord que pour les travaux de réparations mais pas pour y faire poser une statue au sommet du clocher. Les travaux purent reprendre l’année suivante mais la vierge dorée restera dans la cour de la Chapelle. La mairie s’obstinant à refuser cette autorisation.
Il faut dire qu’à l’époque du différent entre le maire et le curé, la mairie venait de faire poser un nouveau Calvaire sur la falaise et que cette Vierge dorée aurait plutôt fait de l’ombre au Calvaire !

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, les bombardements successifs endommagèrent encore la Chapelle (effondrement du clocher, statues, vitraux, cloche cassée…). Mais c’est là aussi, au pied de cette Chapelle, qu’une délégation de fécampois s’est rendue pour négocier avec l’envahisseur.

En 1952, grâce aux dons de nombreux fécampois, la Chapelle est sauvée une nouvelle fois et rendue au culte. La statue est enfin posée au sommet du clocher réédifié où elle se trouve aujourd’hui et la nouvelle cloche « Marie-Louise-Daniele-Françoise » est bénie le 24 Août 1952 par Mgr SANTAIS.

La vierge et la St-Pierre des Marins

Il existe une miniature de cette vierge dorée d’un mètre de hauteur et construite en 1952. Elle se trouve dans le cœur de la Chapelle. Elle était sortie et processionnée lors des fêtes à Fécamp et dans les villages maritimes alentours. A l’époque de la grande pêche, chaque village avait sa St Pierre des marins pour honorer ses marins, et la paroisse de Fécamp prêtait bien volontiers cette vierge dorée. La grande pêche a disparu, la St Pierre aussi et on ne s’est plus intéressé à cette mini statue.
Quand en 1999, l’Association Des Terre-Neuvas a relancé la St Pierre des Marins, l’une des premières préoccupations a été de rechercher cette statue. Il a fallu de longs mois pour enfin la dénicher dans un presbytère de campagne. Elle n’était plus en très bon état, la peinture était toute écaillée, mais un bénévole de l’Association, un peu de la partie, s’est proposé de la remettre en beauté.
Cela a été moins facile que prévu et pour le moins surprenant ! La peinture du corps de la statue n’a posé aucun problème. Par contre pour le visage, sous un œil, la peinture ne tenait pas et coulait : comme si la vierge pleurait ! Il a fallu plusieurs tentatives pour obtenir un résultat. 
Malheureusement cette statue fragilisée par toutes ces manipulations n’a pas résisté. Elle a été reconsolidée et remise en place sur son socle dans la chapelle.
L’Association Des Terre-Neuvas a fait un don pour une autre statue qui elle, peut être processionnée.

Autrefois, il n’y avait que quelques petits chemins et pour accéder à la Chapelle depuis le port, il fallait emprunter le sentier que l’on nomme « Sente aux Matelots ». Il commence sur le Quai Guy de Maupassant et arrive devant la Chapelle. Sur cette ancienne voie gallo-romaine, certaines pierres gardent de profondes inscriptions, des croix ou des initiales, qui sont probablement les œuvres de quelques marins ou pèlerins.

La protection de la Vierge

Les marins sont des hommes durs au travail. Ils font un métier difficile et dangereux surtout autrefois ou la sécurité n’était pas une préoccupation première. Ils sont également très pieux, même s’ils ne le font pas voir. Sur les voiliers, tous les matins avant de prendre le travail, les hommes de l’équipage se réunissaient sur le pont, et l’un d’entre eux récitait la prière. Avant le départ pour les bancs, ils ne seraient jamais partis en mer sans être venu se mettre sous la protection de la Vierge « Notre Dame de SALUT », et au retour venir la remercier.
De même, l’armateur n’aurait jamais laissé appareiller un bateau sans qu’une messe dite « Messe d’armement » n’ait été célébrée ici, dans cette Chapelle, 2 ou 3 jours avant le grand départ.
Quand un chalutier sortait ou entrait du port, en passant dans le chenal entre les jetées, la coutume voulait que le capitaine dise à son équipage « Saluez le Bon Dieu et la Bonne Vierge » en désignant cette Chapelle et le Calvaire situé près de la falaise et un peu en contrebas. A ce signal, les marins se découvraient, faisaient le signe de croix (sûrement une petite prière), le bateau sifflait 3 fois et le pavillon français à l’arrière du navire était également baissé et remonté 3 fois.

Quand certains marins se trouvaient en grand danger et à l’époque des voiliers, c’était chose fréquente :

  • doris trop chargé de poisson menaçant de couler dans des eaux à zéro degré
  • doris perdu dans la brume et ne retrouvant plus son voilier
  • voilier pris dans une violente tempête
  • maladie (il n’y avait pas de médicaments, pas d’escale pour débarquer le malade)

ils pouvaient faire un vœu à N.D de Salut. Ce vœu pouvait être un ex-voto ou un pèlerinage. Ce pèlerinage pouvait même se durcir en y ajoutant certaines contraintes, comme monter la Sente aux Matelots pieds nus, à genoux ou encore avec des cailloux dans les bottes….

Le mémorial des marins

Il y a toujours beaucoup de personnes de Fécamp ou d’ailleurs pour prier ou se recueillir dans cette Chapelle, il suffit de consulter le livre mis à la disposition des visiteurs. Il y règne une atmosphère bien particulière de recueillement et de silence.
Pour l’administration, un disparu, en mer comme à terre, n’est pas une personne décédée. Il ne peut donc pas être enterré et il n’y a pas de tombe. Vers les années 1900, on déplore jusqu’à 15 ou plus de marins disparus en mer chaque année. Des plaques en souvenir de ces personnes étaient collées sur les murs de la chapelle latérale.
Avec la remise en état des murs et des vitrines des ex-voto, la plupart de ces plaques ont disparu. Quelques plaques de marbre gravées subsistent et donnent les noms des marins victimes de naufrage comme le « Snekkar Artic » en 1986, le « Corrylis ».
Ou encore des vitraux pour le « Ginette Leborgne » en 1951 (collision dans le brouillard avec le « Jacques Cœur » : 12 naufragés). Le « Duc de Normandie » en 1951, faisant 23 victimes et laissant 11 veuves et 33 orphelins.

C’est pour cette raison qu’en 2018, à l’occasion du 20ème anniversaire de la St Pierre des marins, l’Association Des Terre-Neuvas a fait ériger un mémorial pour tous ces disparus.

Les nombreux ex-voto (ex-voto signifie : à la suite d’un vœu) expriment cette atmosphère de recueillement, c’est le remerciement d’un fidèle à la Vierge Marie. On peut y voir des peintures ou maquettes naïves comme des tableaux de peintres connus. Tous ces ex-voto sont inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques. Ils ont été restaurés en 2003 et sont désormais dans des vitrines équipées de déshumidificateurs.

Le marin, surtout, est dévot à cette Chapelle; il l’aime lorsqu’il l’aperçoit du sein des mers, drossé qu’il est par les Veni Creator et suivi des litanies. C’est une chose touchante que de voir prosternés ces pauvres marins qui vont errer à l’aventure, cherchant sur la mer la trace de poissons dont Dieu seul connaît la route. Ils demandent, à genoux, à l’Esprit Saint, d’inspirer leurs maîtres et de leur montrer du doigt le lieu où il faut jeter le filet. Ils s’adressent à l’étoile de la mer pour qu’elle les dirige sur son empire et ils la conjurent, par ces navires suspendus aux voûtes et par ces tableaux de naufrage qui tapissent les murs, de ne pas raccourcir en leur faveur la puissance de son bras. Mais jamais cette chapelle n’apparaît plus belle aux yeux du marin que lorsqu’il revient au port sur la foi d’un vœu fait dans la tempête.

« Je me souviendrai toujours d’avoir vu entrer à Fécamp, en 1834, un grand bateau revenant de la pêche au hareng dans les mers du nord. L’ouragan l’avait jeté sur les bancs de la Hollande, l’équipage s’était attaché avec une corde au pied du mât, et pendant plusieurs heures les vagues avaient tenu le navire penché sur ses flancs brisés. Dans cet état, ils avaient fait un vœu, et à leur arrivée ils se hâtèrent de l’accomplir. Il fallait les voir, ces pauvres matelots, comme ils descendaient à terre en silence; puis, sans regarder leur famille, ils baissèrent les yeux, mirent sous leurs bras leurs chapeaux goudronnés, prirent à la main leurs chaussures et montèrent pieds nus la grande côte de la Vierge. Et leurs femmes et leurs enfants les suivaient en versant des pleurs et en poussant des soupirs entrecoupés de sanglots, car ils comprenaient combien ils avaient souffert. Ils lisaient dans leur visage blême, dans leurs yeux baignés de larmes et jusque dans leur silence profond, que c’étaient des victimes que Marie avait arrachées des bras de la mort. »

Texte d’un auteur inconnu.

Suite aux intempéries de janvier 2018, la Chapelle risque de s’effondrer si rien n’est entrepris rapidement. Ensemble, sauvons la chapelle des marins !

Sources :

  • Les églises de l’arrondissement du Havre par Jean Benoît Désiré Cochet 1845. Annales du Patrimoine de Fécamp. N° 6 de 1999
  • Renseignements recueillis après la conférence du 07 Février 2015
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